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Le Code de la justice pénale des mineurs au Journal officiel

Pénal - Procédure pénale, Peines et droit pénitentiaire, Droit pénal général
13/09/2019
L’ordonnance portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs a été publiée au Journal Officiel le 13 septembre 2019. Le nouveau Code entrera en vigueur le 1er octobre 2020.
Présentée en conseil des ministres mercredi 11 septembre 2019, l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 (Ord. n° 2019-950, 11 sept. 2019, JO 13 sept. 2019), créant le Code de justice pénale des mineurs, a été publiée au Journal officiel deux jours plus tard.

L’article 6 de l’ordonnance prévoit que « dans toutes les dispositions législatives en vigueur (…) les références à l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante s'entendent comme faisant référence au Code de la justice pénale des mineurs ». L’ordonnance de 1945 est donc abrogée et remplacée par un Code autonome, qui regroupe les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs.

Une profonde modification de la procédure pénale applicable aux mineurs
Rappelons que la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé le gouvernement à réformer l’ordonnance de 1945, modifiée à 39 reprises, par voie d’ordonnance (v. Après le PJL justice, place à la réforme de la justice des mineurs, Actualités du droit, 22 fév. 2019).

Le gouvernement a décidé de créer un Code et « a fait le choix de modifier en profondeur la procédure pénale applicable aux mineurs, tout en conservant à droit constant ce qui a fait ses preuves et fonctionne » comme il est précisé dans le rapport au Président de la République publié au Journal officiel le 13 septembre 2019.

Dans ce nouveau Code, il ne figure pas moins de 80 créations d’articles par rapport à l’ordonnance de 1945.
 
Objectifs : simplifier, accélérer, renforcer, améliorer
Les quatre objectifs de la réforme sont annoncés dans le rapport :
  • simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants : suppression de l’instruction devant le juge d’instruction, mode de poursuite unique, une procédure en deux temps (audience de culpabilité, période de mise à l’épreuve éducative puis énoncé de la sanction) etc. ;
  • accélérer le jugement des mineurs pour qu'il soit statué rapidement sur leur culpabilité : dès l’issue de l’enquête, le mineur sera convoqué dans un délai compris entre dix jours et trois mois pour trancher sur la question de sa culpabilité, le prononcé de la sanction devra lui intervenir dans un délai de six à neuf mois à compter du premier jugement ;
  • renforcer la prise en charge des mineurs par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de la peine : pourront être prononcées cumulativement ou non des mesures d’investigation, une mesure éducative judiciaire provisoire modulable ou des mesures de sûreté ;
  • améliorer la prise en compte des victimes : la victime sera entendue dès l'audience d'examen de la culpabilité et il sera statué sur sa constitution de partie civile et son préjudice. Elle sera avisée de l’audience de prononcé de la sanction ; aussi la justice restaurative devient un principe général de la justice pénale des mineurs.
 
Près de 50 % des articles modifiés
Le futur Code, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2020, comporte 267 articles. De nombreuses rectifications ont été apportées par rapport à la version rendue publique le 13 juin 2019 (v. Ce qu’il faut retenir du projet de Code de justice pénale des mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2019) mais aussi par rapport à celle du 5 juillet 2019, dévoilée par Actualités du droit (v. Justice pénale des mineurs : Actualités du droit vous dévoile le projet de Code présenté en conseil des ministres, Actualités du droit, 11 sept. 2019).

Près de 50 % des articles ont été modifiés, déplacés, retouchés ou simplifiés. Particulièrement les articles du livre concernant les dispositions relatives à l’outre-mer (Code de justice pénale des mineurs, Livre 7) et celui relatif au jugement du mineur (Code de justice pénale des mineurs, Livre V). Comme indiqué dans le rapport « le livre V consacré au jugement apporte les modifications les plus importantes puisqu'il change la structure de la procédure et permet de concilier l'exigence d'impartialité du juge des enfants avec l'intérêt de favoriser la continuité de son action ».
 
Le Conseil d’État suivi
L’avis du Conseil d’État, qui n’a pas été publié, n’avait pas remis en cause le corps de la réforme, selon une source officielle. Il a cependant été suivi en ce qui concerne :
  • l’autorisation des fouilles par les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse : l’article L. 113-3 de l’ancienne version du projet a été supprimé ; il disposait qu’« à chaque entrée d’un mineur dans un établissement relevant du secteur public ou habilité de la protection judiciaire de la jeunesse, le directeur de l’établissement ou les membres du personnel de l’établissement spécialement désignés par lui, peuvent procéder au contrôle visuel de ses effets personnels, aux fins de prévenir l'introduction au sein de l'établissement d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. Au sein de ces établissements, ces mêmes personnels peuvent, aux mêmes fins, procéder à l’inspection des chambres où séjournent ces mineurs. Cette inspection se fait en présence du mineur sauf impossibilité pour le mineur de se trouver dans l’établissement. Le déroulé de cette inspection doit être consigné dans un registre tenu par l’établissement à cet effet. Ces mesures s’effectuent dans le respect de la dignité des personnes et selon les principes de nécessité, de proportionnalité, de gradation et d’individualisation » ;
  • la possibilité pour le tribunal de police de prononcer des peines à l’égard des mineurs : l’article L. 121-3 du Code de justice pénale des mineurs relatif aux peines prononcée par le tribunal de police, prévoit dans son dernier alinéa que « les dispositions de l'article 131-16 du Code pénal ne sont pas applicables », peines complémentaires qui étaient initialement prévues dans le projet.
D’autres modifications importantes
Désormais, la mesure éducative judiciaire pourra être prononcée pour une durée maximum de cinq ans, et non pas trois ans, comme prévu initialement (Code de justice pénale des mineurs, art L. 112-4).

Des renvois à des dispositions du Code pénal ont été supprimés, à l’instar de l’article L. 123-2 du projet de Code qui prévoyait que « les dispositions des articles 132-25 et 132-26 du Code pénal relatifs aux placements extérieurs, à la détention à domicile sous surveillance électronique et la semi-liberté sont applicables aux mineurs ».

Mais encore, l’article L. 634-1 du Code de justice pénale des mineurs a été créé et dispose que « conformément aux articles 230-6 à 230-11 du Code de procédure pénale, les infractions commises par les mineurs font l'objet d'une inscription dans les fichiers d'antécédents judiciaires qui peuvent être consultés dans le cadre des procédures pénales ainsi que dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1 et L. 234-1 à L. 234-3 du Code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.

Les mineurs peuvent demander, auprès du procureur de la République territorialement compétent ou du magistrat désigné à l'article 230-9 du Code de procédure pénale, que les données personnelles concernant ces infractions soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire, ou qu'elles fassent l'objet d'une mention interdisant qu'elles fassent l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives mentionnées au premier alinéa.
Conformément à l'article 230-8 du Code de procédure pénale, ces demandes peuvent être formées à tout moment, sauf si, à la suite d'infractions commises pendant la majorité de l'intéressé, celui-ci a fait l'objet de condamnations qui sont toujours inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Il est statué sur ces demandes pour des raisons liées à la finalité du fichier au regard de la nature ou des circonstances de commission de l'infraction ou de la personnalité de l'intéressé 
».

Un débat parlementaire attendu
L’entrée en vigueur de l’ordonnance est prévue pour le 1er octobre 2020, laissant place à un débat parlementaire afin de laisser au « Parlement la possibilité de jouer pleinement son rôle », et donc de modifier l’ordonnance, comme promis lors de la discussion parlementaire sur le texte de loi programmation 2018-2022 et réforme de la justice.

De nombreux décrets en Conseil d’État sont attendus, notamment pour encadrer le régime d’incarcération du mineur (Code de justice pénale des mineurs, art L. 124-1) ou encore la conservation du dossier unique de personnalité du mineur après sa majorité (Code de justice pénale des mineurs, art L. 322-8).

L’article 10 de l’ordonnance prévoit donc que « les poursuites engagées avant cette date se poursuivent jusqu'à leur terme conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans leur version applicable avant cette date. Toutefois, les dispositions du Code de la justice pénale des mineurs relatives aux mesures de sûreté s'appliquent immédiatement lorsqu'elles sont plus favorables aux mineurs à l'encontre desquels ces poursuites sont engagées ».

Une analyse plus détaillée sera publiée sur Actualités du droit dans les prochains jours…
Source : Actualités du droit