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Covid-19 : rejet de la requête visant à fermer provisoirement les centres de rétention administrative

Civil - Personnes et famille/patrimoine
30/03/2020
En l’absence d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la demande présentée au juge des référés, visant à fermer temporairement l’ensemble des centres de rétention administrative est rejetée.
Le Conseil d’État a été saisi d’une requête en référé introduite par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers » (ADDE), le syndicat des avocats de France, l’association la Cimade et le Conseil national des barreaux visant d’une part à suspendre provisoirement l’application de l’arrêté du 30 mars 2011 fixant la liste des centres de rétention administrative et d’autre part, à enjoindre au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur et au ministre des Solidarités et de la Santé à fermer provisoirement ces centres de rétention administrative jusqu’à la levée de la mesure de confinement.
 
Rappelant le contexte sanitaire actuel et les risques liés à la propagation du Covid-19, ainsi que les conditions de retenue dégradées dans les centres de rétention administrative, les demandeurs avancent plusieurs griefs : Ils font notamment valoir qu’il existe un risque réel et imminent d’une contamination généralisée des personnes retenues.
 
Quels sont leurs arguments ?
- un risque réel et imminent d’une contamination généralisée des personnes retenues qui engorgerait les hôpitaux ;
- une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie en application de l’article 2 de la CEDH ;
- une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants en application de l’article 3 de la CEDH ;
- l’ouverture de ces centres de rétention, sans aucune protection aussi bien pour les personnes retenues que les fonctionnaires de police, personnel de santé et les salariés des associations risque d’entraîner la propagation du Covid-19 ;
- l’assignation à résidence peut constituer une alternative au placement en rétention administrative et si les personnes retenues sont sans domicile fixe, elles peuvent être intégrées au dispositif de prise en charge des personnes sans domicile fixe, qui offre la possibilité d’un hébergement respectueux des règles de confinement.
 
Le Défenseur des droits a également présenté ses observations afin que cette requête soit rejetée car il considère que l’autorité publique n’est pas en carence et que la condition d’urgence n’est pas remplie. Il n’y a donc pas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale contrairement à ce que soutiennent les requérants.
 
Le Conseil d’État rappelle le contexte actuel de la pandémie ainsi que les mesures prises par le législateur afin d’endiguer la diffusion du virus : fermeture d’établissements recevant le public, limitation des rassemblements à plus de cent personnes et enfin la décision de confiner la population par la déclaration de l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois, avec la loi du 23 mars 2020.
 
La Haute juridiction rappelle l’ensemble des dispositions relatives à la rétention administrative et notamment les conditions dans lesquelles l’assignation à résidence est admise en application de l’article L. 561-2 I du ceseda. En revanche, lorsqu’un étranger ne présente pas de garanties suffisantes de représentation, c’est la rétention administrative qui est mise en œuvre (Ceseda, art. L. 551-1 et L. 561-2, 1° à 7°).
S’agissant de la requête en référé sur le fond, le Conseil d’État s’appuie sur l’instruction et constate que le nombre de personnes placées en rétention administrative a considérablement diminué. Le 26 mars 2020, 152 personnes étaient placées en rétention : « 9 centres de rétention ne comptaient aucun étranger retenu, 5 centres comptaient moins de 5 étrangers retenus et 5 centres comptaient entre 6 et 16 étrangers retenus. Seuls deux centres dépassaient ce dernier effectif, avec 37 personnes retenues au Mesnil-Amelot, pour une capacité de 120 places si elles sont regroupées dans un seul des deux centres situés dans cette localité, et 53 personnes retenues à Vincennes, pour une capacité de 237 places ». Il n’y a donc pas de carence dans l’accès aux soins, dans le contexte actuel, des produits d’hygiène permettant de respecter les consignes générales pour limiter l’épidémie, ont été mis à disposition dans les centres de rétention. En outre, « le 17 mars 2020, ont été diffusées dans les centres de rétention des instructions relatives à la prévention du covid-19, insistant sur l’évaluation sanitaire des personnes entrant en rétention et interdisant l’entrée de personnes présentant des symptômes susceptibles de résulter de la maladie, préconisant la conduite à tenir en cas d’apparition des symptômes et précisant la prise en charge médicale des personnes concernées, interdisant l’éloignement des personnes présentant ces symptômes, prescrivant l’observation des mesures d’hygiène et une répartition spatiale de l’occupation à l’intérieur des centres qui limite les contacts entre les personnes, mobilisant les chefs de centre et les unités médicales ».
 
Selon le juge des référés, il ne résulte de l’instruction aucune carence susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale « au droit au respect de la vie ou au droit de recevoir les soins que requiert son état de santé ». C’est aux chefs de ces centres de rétention qu’il revient de s’assurer que toutes les mesures soient prises afin d’éviter tout risque de propagation du virus et de prendre les mesures appropriées. Compte tenu du taux d’occupation actuel de ces centres, un risque de propagation n’est pas avéré, selon le Conseil d’État.
 
S’agissant de l’assignation à résidence prévue en application de l’article L. 562-1 du ceseda, seuls les étrangers pour lesquels une perspective raisonnable d’éloignement du territoire est envisageable, peuvent être maintenus en rétention c’est-à-dire lorsque leur départ du territoire est à brève échéance (Ceseda, art. L. 554-1). Or, le contexte actuel de fermeture des frontières sur l’espace Schengen et l’interdiction d’entrée émise par certains États à l’égard de tout ressortissant de pays tiers, ne permet pas à l’autorité administrative de mettre en œuvre des mesures d’éloignement, bien qu’elle ait pu procéder à des éloignements dans la période récente.
 
La Haute juridiction considère donc au regard de tous ces éléments que la demande de fermeture de l’ensemble des centres de rétention administrative n’est pas justifiée et ce d’autant plus que « la loi donne au juge des libertés et de la détention compétence pour mettre fin à la rétention lorsqu’elle ne se justifie plus pour quelque motif que ce soit ». Aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’a été relevée.
 
Source : Actualités du droit