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Détention à domicile, mandat de dépôt à effet différé, sursis probatoire : retour sur le décret d’application

Pénal - Procédure pénale
07/02/2020
Le 4 février 2020, le décret relatif à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, au sursis probatoire, aux conversions de peines et au mandat de dépôt à effet différé a été publié. Focus sur ces nouvelles dispositions.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a institué la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, le mandat de dépôt à effet différé et a supprimé la peine de contrainte pénale, en reprenant néanmoins le contenu de cette peine dans le sursis probatoire avec suivi renforcé. Un décret a été publié le 4 février 2020 pour préciser les modalités d’application de ces dispositions (D. n° 2020-81, 3 févr. 2020, JO 4 févr.).
 
La détention à domicile sous surveillance électronique
Le titre I Bis du livre V du Code de procédure pénale relatif à la contrainte pénale est supprimé et remplacé par de nouvelles dispositions encadrant la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.
 
La pose du dispositif de surveillance électronique devra faire l’objet d’un procès-verbal adressé au juge de l’application des peines (JAP). Et dans le cas d’une détention à domicile sous surveillance électronique, autre que le domicile du condamné, il « ne peut intervenir qu’avec l’accord écrit du propriétaire ou du ou des titulaires du contrat de location des lieux où pourra être installé le récepteur, sauf s’il s’agit d’un lieu public ».
 
Le décret prévoit notamment que lorsque le lieu où le condamné est tenu de demeurer et les périodes pendant lesquelles il peut s’absenter ont été fixés par la juridiction de jugement, la pose du dispositif de surveillance électronique doit être effectuée :
  • dans un délai de cinq jours maximum à compter de la décision, « si la condamnation a été déclarée exécutoire par provision, en application de l’article 471 » ;
  • dans un délai maximum de trente jours à compter du jour auquel la condamnation est exécutoire dans les autres cas.
 
À l’issue de l’audience, une convocation devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) pour la pose du dispositif de surveillance électronique est remise au condamné. À défaut de remise, elle sera adressée au condamné dans les meilleurs délais à compter du caractère exécutoire de la décision. « Cette convocation vaut saisine de ce service et informe le condamné que s'il ne se présente pas dans le délai imparti, sauf motif légitime ou, en l'absence d'exécutoire provisoire, exercice des voies de recours, le juge de l'application des peines pourra ordonner son emprisonnement pour la durée de la peine prononcée » précise le décret.
 
Dans le cas où la juridiction de jugement n’a ni fixé le lieu ni les périodes pendant lesquelles le condamné peut s’absenter, ce sera au JAP de statuer dans un délai de quatre mois à compter du caractère exécutoire de la décision. La juridiction devra remettre au condamné un avis de convocation à comparaître devant ce magistrat dans un délai maximum de trente jours, à l’issue de l’audience, ou dans les meilleurs délais s’il est absent. Il est également précisé que « sauf motif légitime ou, en l'absence d'exécution provisoire, exercice des voies de recours », si le condamné ne se présente pas, le JAP « pourra ordonner son emprisonnement pour la durée de la peine prononcée ». La pose devra être effectuée dans « un délai maximal de cinq jours à compter de la décision du juge de l’application de peine ».
 
Dans l’hypothèse d’une détention provisoire ou incarcération intervenant au cours de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, cette dernière sera suspendue. Le JAP peut aussi ordonner la suspension pour des raisons d’ordre familial, social, médical ou professionnel.
 
Il est possible que le condamné doive satisfaire à l’obligation de s’abstenir de paraître dans un lieu ou zone spécialement désignés afin d’éviter un contact avec la victime ou partie civile, ou de s’abstenir d’entrer en relation avec ces dernières. Le JAP pourra alors aviser ou faire aviser la victime ou partie civile de la date de fin de la peine. Elle pourra aussi faire connaître ses changements d’adresse auprès du procureur de la République ou procureur général près la juridiction de jugement, par lettre recommandée avec accusé de réception.
 
Lorsque le condamné est mineur, le juge des enfants se verra confier les attributions du JAP. C’est le service de milieu ouvert de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) qui recueillera l’accord du lieu de la détention sous surveillance électronique. « Ce service assure le contrôle et le suivi des mesures ordonnées par le juge des enfants, à l’exception de la mise en œuvre du dispositif technique de surveillance électronique » prévoit le décret. Le condamné et ses représentants légaux seront convoqués devant ce service qui prendra attache avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation pour organiser la pose du dispositif.
 
Enfin le décret précisant les modalités d’application des nouvelles dispositions dispose que le non-respect des délais « ne constitue pas une cause de nullité des convocations ou des formalités de pose du dispositif de surveillance électronique ».
 
Le sursis probatoire avec suivi renforcé
L’article 80 de la loi n° 2019-222 a créé l’article 132-41-1 du Code pénal permettant à la juridiction « lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un crime ou délit puni d'une peine d'emprisonnement et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu » de décider que le sursis probatoire consistera en « un suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif, faisant l'objet d'évaluations régulières par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin de prévenir la récidive en favorisant l'insertion ou la réinsertion de la personne au sein de la société ». L’article 741-2 du Code de procédure pénale lui aussi créé par ladite loi, organise notamment l’évaluation de l’intéressé.
 
Le décret d’application vient en préciser les modalités.
 
Le condamné, présent à l’audience, se verra remettre une convocation à comparaître devant le SPIP dans un délai « qui ne serait être supérieur à huit jours, si le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de sa décision ou compris entre dix et quinze jours dans le cas contraire ». S’il est absent, la convocation lui sera adressée lors de la notification de la condamnation, ou dans les meilleurs délais après.
 
Il est prévu à l’article 741-2 du Code de procédure pénale qu’un rapport doit être établi par le SPIP « comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en œuvre des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations et interdictions mentionnées à l’article 132-45 du même Code ». Ce rapport est effectué après plusieurs entretiens individuels avec le condamné. L’objectif : proposer au JAP un projet d’exécution et de suivi de la mesure, ainsi que d’éventuelles obligations adaptées à la situation et personnalité du condamné.
 
Le décret impose que soit adressé au JAP ce rapport « au plus tard trois mois après le prononcé de la condamnation ou, lorsque le prévenu n’était pas présent à l’audience, après sa notification ». Et sans délai au procureur de la République par le service de l’application des peines.
 
« Le condamné fait l'objet par le service pénitentiaire d'insertion et de probation d'un suivi soutenu dont l'intensité est individualisée et proportionnée aux besoins de la personne, à la sanction et à la mesure prononcée, et évolue au fur et à mesure de l'exécution du sursis probatoire » organise le présent décret.
 
Pour la réévaluation du SPIP relative à la situation matérielle, familiale et sociale de l’intéressé, prévue par l’article 741-2, « à chaque fois que nécessaire au cours de l’exécution de la peine, et au moins une fois par an », doit intervenir « au plus tard un an après le prononcé de la condamnation » ou après sa notification spécifie le décret. Un rapport de synthèse sur les conditions d’exécution de la sanction devra être adressé au JAP puis au procureur de la République.
 
Dans l’hypothèse où une peine d’emprisonnement assorti d’un sursis probatoire avec suivi renforcé concerne un mineur, « les attributions confiées au juge de l'application des peines par les dispositions de la présente section sont exercées par le juge des enfants » et le service de milieu ouvert de la PJJ devra assurer le suivi de la peine.
 
Enfin, le décret précise que le non-respect des délais « ne constitue pas une cause de nullité des convocations ou des actes accomplis en application de ces articles ».
 
Le mandat de dépôt à effet différé
La loi n° 2019-222 a mis en place à l’article 464-2 du Code de procédure pénale, la possibilité de décerner un mandat de dépôt à effet différé pour les condamnés à une peine d’au moins six mois, ou lorsque la durée totale de l’emprisonnement ferme prononcé par le tribunal correctionnel est supérieure à un an. Le condamné doit être convoqué dans un délai maximum d’un mois devant le procureur de la République pour qu’il fixe la date à laquelle il sera incarcéré. Ledit décret impose que le mandat de dépôt à effet différé soit « immédiatement signé par le président du tribunal correctionnel à l’issue de l’audience et revêtu de son sceau ».
 
L’article 464-2 du Code de procédure pénale permet d’assortir un mandat de dépôt à effet différé, de l’exécution provisoire, selon le décret, si :
  • le tribunal est saisi selon la procédure de comparution immédiate ou de comparution différée ;
  • le tribunal prononce une peine d'emprisonnement ferme d'une durée d'au moins un an ;
  • quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement prononcée, si les faits sont commis en état de récidive légale.
 
Pour une peine d’emprisonnement dont la durée est supérieure à un an, le tribunal correctionnel qui ne décerne pas un mandat de d’arrêt ou de dépôt dans le cadre de l’article 465, peut décerner un mandat de dépôt à effet différé sur le fondement de l’article 464-2, ou n’en décerner aucun.
 
À côté du mandat de dépôt à effet différé, le condamné qui n’est pas détenu pour autre cause :
  •  « De répondre à la convocation à comparaître dans un délai ne pouvant excéder un mois devant le procureur de la République, si une telle convocation lui a été délivrée, à l'issue de l'audience lorsqu'il y était présent ou ultérieurement dans le cas contraire ;
  • De se présenter, pour y être incarcéré, devant l'établissement pénitentiaire désigné par le procureur de la République à la date et aux horaires fixés par ce magistrat, et dont il a été informé soit à l'issue de l'audience, soit lors de sa comparution devant le procureur de la République ».
 
D’ailleurs, le décret apporte une précision quant au délai entre la date à laquelle l’intéressé est informé de l’horaire de son incarcération, à l’issue de l’audience ou ultérieurement, et la date à laquelle il doit être incarcéré : quatre mois maximum. Sachant que le non-respect des délais ne constitue pas une cause de nullité empêchant la mise à exécution du mandat, tant que la condamnation n’est pas prescrite.
 
« Dans la mesure du possible, la date d'incarcération est déterminée en tenant compte de la situation personnelle du condamné et, s'il y a lieu, du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire et de son évolution prévisible » affirme le décret.
 
Si la personne visée par le mandat de dépôt à effet différé est détenue pour une autre cause, les dispositions relatives à la convocation, à la fixation d’une date d’incarcération et la délivrance d’un ordre de mise à exécution, « ne sont pas applicables ». Mais, « le procureur de la République met dès que possible la peine à exécution lorsque la condamnation est exécutoire ou lorsque le mandat a été assorti de l'exécution provisoire ».
 
Le condamné sera informé que s’il « ne satisfait pas, sauf motif légitime ou, en l'absence d'exécution provisoire, exercice des voies de recours, aux obligations prévues aux 1° et 2° de l'article D. 45-2-3, la peine d'emprisonnement pourra être mise à exécution à tout moment par la force publique ».
 
Un mandat de dépôt à effet différé ne peut être prononcé à l’encontre d’un mineur. Et il devient non avenu lorsqu’une opposition est formée à l’encontre d’un jugement.
 
« Lorsque la chambre des appels correctionnels décerne un mandat de dépôt à effet différé, le procureur général dispose des mêmes prérogatives que le procureur de la République » détaille le décret.
 
Avant l’incarcération, le procureur de la République, quand il reçoit le condamné, doit informer l’établissement pénitentiaire dans lequel il doit être incarcéré, avec la date et les horaires auxquels il doit se présenter. Après cette information, il doit délivrer un « ordre de mise à exécution de ce mandat » obligeant le chef de l’établissement concerné de recevoir et détenir le condamné lors de sa présentation ou de l’informer dans le cas contraire.
 
L’ordre de mise à exécution doit viser la décision de condamnation rendue, le mandat décerné par le tribunal correctionnel, etc. « Il est daté, signé et revêtu du sceau de ce magistrat ».
 
« Si la personne à l'encontre de laquelle a été décerné un mandat de dépôt à effet différé ne se présente pas, sans motif légitime, à la convocation devant le procureur de la République ou à l'établissement pénitentiaire à la date fixée pour son incarcération, le ministère public pourra mettre la peine à exécution en recourant, s'il y a lieu, à la force publique, lorsque la condamnation est exécutoire ou, sauf en cas d'opposition formée contre une condamnation par défaut, lorsque le mandat a été assorti de l'exécution provisoire » insiste le décret.  
 
Dans le cas où la condamnation est exécutoire ou que le mandat ait été assorti de l’exécution provisoire, le ministère public peut également mettre la peine à exécution à tout moment, « si la personne est incarcérée dans le cadre d'une autre procédure, ou en cas d'urgence résultant soit d'un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit d'un risque avéré de fuite du condamné ».
 
Dans tous les cas, « si la personne ne se présente pas à l'établissement pénitentiaire à la date fixée, le chef d'établissement en avise le jour même où le premier jour ouvrable suivant le procureur général ou le procureur de la République. Si le condamné se présente à l'établissement pénitentiaire après la date fixée, mais pendant un jour ouvrable et aux horaires permettant son incarcération, le chef d'établissement est tenu de le recevoir ».
 
Une entrée en vigueur prévue au 24 mars 2020
Le décret prévoit que ses dispositions « entrent en vigueur le 24 mars 2020 pour les condamnations prononcées à compter de cette date, y compris si elles concernent des infractions commises avant cette date ».
Source : Actualités du droit