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Délit de violation répétée du confinement : une conformité totale à la Constitution

Pénal - Droit pénal spécial
26/06/2020
Dans une décision du 26 juin 2020, le Conseil constitutionnel vient de juger que les dispositions réprimant la violation réitérée du confinement, largement contestées, étaient bien conformes à la Constitution.
Pour rappel, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie Covid-19 a créé un délit pour sanctionner le non-respect du confinement à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours. Ces dispositions ont fait l’objet de trois QPC qui ont été transmises par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel le 13 mai 2020 (v. Délit de violation répétée du confinement : le Conseil constitutionnel saisi, Actualités du droit, 13 mai 2020). Les trois QPC ont été jointes.
 
Concrètement,  la QPC porte sur le renvoi opéré au sein du quatrième alinéa de l'article L. 3136-1 du Code de la santé publique, au 2 ° de l'article L. 3131-15 du même Code. Ce dernier article prévoit que là où l’état d’urgence est déclaré, et pour garantir la santé publique, le Premier ministre peut interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements « strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé ». La violation de cette interdiction, lorsqu’elle est commise alors que trois autres violations de la même interdiction ont déjà été verbalisées dans les trente jours, est punie de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
 
Selon les requérants, ces dispositions méconnaissent :
- le principe de légalité des délits et des peines : le législateur a abandonné au pouvoir réglementaire la définition des éléments constitutifs du délit et la notion de verbalisation est équivoque, tandis que les termes « besoins familiaux ou de santé » sont imprécis ;
- le principe de présomption d’innocence : les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif notamment car il est possible de caractériser ce délit alors même que les contraventions des trois premières violations n’auraient pas été soumises à un juge  ; délit présenterait donc un caractère automatique ;
- le principe de proportionnalité des peines : la peine de six mois d’emprisonnement est manifestement disproportionnée et le délit réprimerait des violations déjà punies de contraventions au mépris du principe non bis in idem.
 
Le Conseil constitutionnel va répondre point par point.
 
S’agissant du principe de légalité des délits et des peines, il précise que « ni la notion de verbalisation qui désigne le fait de dresser un procès-verbal d'infraction ni la référence aux « déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé » ne présentent de caractère imprécis ou équivoque. Il en est de même s’agissant de l’élément constitutif du délit (le fait que la personne ait été verbalisée à plus de trois reprises). En réponse aux requérants, le Conseil souligne que « ces dispositions ne permettent pas qu'une même sortie, qui constitue une seule violation de l'interdiction de sortir, puisse être verbalisée à plusieurs reprises ».
 
Les Sages ont également estimé que le législateur a bien défini les éléments essentiels de l’interdiction de sortir et ses exceptions, sans exclure que le pouvoir réglementaire pouvait en prévoir d’autres. Il a aussi prévu que le délit est constitué s’il y a eu trois autres violations de l’interdiction de sortir dans les trente jours précédents, déjà verbalisées. « Le législateur a (donc) suffisamment déterminé le champ de l'obligation et les conditions dans lesquelles sa méconnaissance constitue un délit ».
 
Concernant la présomption d’innocence, le Conseil précise que le tribunal correctionnel doit apprécier « les éléments constitutifs de l'infraction et notamment la régularité et le bien-fondé des précédentes verbalisations ». Les dispositions, objet de la QPC, n’instaurent donc « aucune présomption de culpabilité » et ne portent pas atteinte à la présomption d’innocence ou aux droits de la défense.
 
Et s’agissant de la  disproportion alléguée des peines, le Conseil constitutionnel écarte ce grief au regard des risques induits par le comportement réprimé. Il souligne que « les dispositions contestées punissent des faits distincts de ceux réprimés lors des trois premières violations » et affirme que l’incrimination a pour objectif d’assurer « le respect de mesures prises pour garantir la santé publique durant l'état d'urgence sanitaire qui peut être déclaré en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ».
 
Les juges du Conseil constitutionnel concluent donc à une conformité totale des dispositions à la Constitution.
 
 
 
Bref rappel
Les sanctions pour non-respect des mesures de confinement ont été modifiées à de nombreuses reprises (v. Non-respect du confinement : des amendes forfaitaires en cas de récidive, Actualités du droit, 3 avr. 2020) : 
- un premier passage de 38 à 135 euros ;
- le vote d’une peine graduée avec la création d’un délit en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours ;
- l’application de la procédure de l’amende forfaitaire aux contraventions de la cinquième classe visant à réprimer la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence.
 
 
 
Source : Actualités du droit