Retour aux articles

IFI : rapport de la Cour des comptes

Civil - Fiscalité des particuliers
05/02/2024
Le 25 janvier 2024, la Cour des comptes a publié son rapport d’observations définitives sur le thème de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Elle recommande, à cette occasion, de mieux accompagner les redevables dans leurs démarches, de simplifier certains aspects de la gestion de l’IFI et de renforcer les dispositifs de contrôle et de détection de la fraude.
Créé par la loi de finances pour 2018, l’impôt sur la fortune immobilière est dû par les foyers fiscaux détenant des actifs immobiliers dont la valeur nette dépasse 1,3 million d’euros, qu’ils soient constitués d’immeubles détenus directement ou indirectement, à l’exclusion de l’immobilier affecté à l’activité professionnelle du redevable ou d’une entreprise dont il détient des parts. Il s’agit d’un impôt déclaratif et progressif. Il est dû chaque année par le foyer fiscal sur la base des faits établis au 1er janvier de l’année d’imposition.

Dans son rapport d’observations définitives, publié le 25 janvier 2024, la Cour des comptes présente le cadre juridique de l'IFI, son évolution et le profil des assujettis avant d’en analyser sa gestion (de la déclaration au recouvrement). Elle présente enfin les moyens et les résultats du contrôle et de la détection de la fraude ainsi que la gestion des contentieux. Tour d’horizon de ces observations définitives.


Les règles de détermination de l’assiette de l’IFI sont trop complexes


Pour mémoire, l’assiette de l’IFI est constituée par les immeubles détenus directement ou indirectement, à l’exclusion de l’immobilier affecté à l’activité professionnelle du redevable ou de l’entreprise dont il détient des parts. Or, selon la Cour des comptes, la délimitation de cette assiette conduit à des règles complexes pour éviter que les biens immobiliers détenus indirectement échappent à l’impôt et pour identifier les passifs déductibles de l’assiette, avec de nombreuses clauses anti-abus.

La Cour des comptes relève plusieurs difficultés liées aux règles d’assujettissement à l’IFI qui sont peu aisées à comprendre par les contribuables et qui peuvent générer des incertitudes juridiques. En effet, l’IFI est un impôt qui repose sur une auto-évaluation du patrimoine par les contribuables ce qui peut impliquer, d’une part, une difficulté pour ces contribuables à objectiver certaines valorisations et, d’autre part, une difficulté pour délimiter les biens immobiliers qui sont détenus à des fins patrimoniales, y compris sous forme de placements financiers, et de les distinguer des biens à usage professionnel.

Cette complexité des règles d’assiette et les incertitudes importantes sur l’évaluation des biens constituent ainsi une fragilité de l’impôt et entraînent un risque d’iniquité entre les contribuables selon leur degré d’information et leur capacité à les maîtriser.


La gestion de l’IFI est efficace car intégrée à celle de l’impôt sur le revenu mais reste perfectible


La Cour des comptes précise que les démarches des redevables de l’IFI ont été facilitées depuis 2018, année de passage de l’ISF vers l’IFI. En effet, l’intégration de la gestion de cet impôt à celle de l’impôt sur le revenu a permis d’unifier et de dématérialiser totalement la déclaration. La Cour précise également que la mise en œuvre du « droit à l’erreur » et des délais de paiement a permis de conforter la relation de confiance entre l’administration fiscale et les contribuables.

Elle précise toutefois que les services de l’administration pourraient être améliorés, notamment en matière d’accompagnement à la déclaration et de paiement. En effet, la démarche de déclaration des biens détenus, bien que facilitée par un accès à des outils d’aide à l’évaluation de leur valeur, demeure un exercice délicat pour les contribuables. L’administration fiscale pourrait, selon la Cour des comptes, améliorer l’accompagnement de ces contribuables en leur fournissant les données relatives à l’évolution des prix dans la zone où se trouve le bien déclaré. Cette démarche permettrait ainsi de prévenir une tentation de « sous-revalorisation » des biens déclarés alors que les prix de l'immobilier sont en hausse.

Enfin, si le recouvrement de l’IFI est efficace, notamment grâce à un taux important de recouvrement spontané, la Cour des comptes souligne que le coût de gestion de cet impôt est élevé en raison de la complexité des contrôles.

L’intégration de la gestion de l’IFI à celle de l’impôt sur le revenu permet un recouvrement facile, efficace et plus sécurisé en mettant fin au double circuit déclaratif qui existait entre l’ISF et l’impôt sur le revenu. Le taux de recouvrement de l’IFI atteint ainsi 99,9 % deux ans après l’émission de la créance. Ce chiffre, en constante amélioration, s’explique par le caractère déclaratif de l’impôt et par la solvabilité des contribuables.

Toutefois, la Cour des comptes précise que le taux d’intervention de l’IFI, qui rapporte les dépenses engagées pour sa gestion aux recettes recouvrées, apparaît élevé en raison d’opérations de contrôle longues et complexes. Le taux d’intervention est en effet, pour l’année 2022, de 2,66 % pour l’IFI contre 1,05 % pour l’impôt sur le revenu. L’administration fiscale devrait « mieux identifier, suivre les coûts et veiller à ce que la gestion de l’IFI gagne en efficience ».


Le contrôle de l’IFI monte en charge mais il doit être amélioré quant à la détection et l’évaluation de la fraude


L’IFI étant un impôt déclaratif, son contrôle doit être efficace. La Cour des comptes relève que le contrôle de l’IFI est en croissance depuis 2020 mais il reste encore peu fréquent (en 2022, il a touché moins de 2 % des redevables). De plus, il est essentiellement réalisé sur pièces et s’intègre dans la stratégie de contrôles corrélés entre les revenus et le patrimoine des particuliers.

La Cour précise également que la suppression de l’ISF s’étant traduite, pour l’administration, par une perte de vision globale sur l’ensemble du patrimoine, elle a adapté la programmation des contrôles en renforçant progressivement les outils nationaux de ciblage fondés sur l’exploitation automatique d’un grand nombre de données (data mining). 
Toutefois, ces outils gagneraient à être enrichis pour couvrir l’ensemble du fichier des redevables. La minoration d’assiette (sous-valorisation ou sous-déclaration) a en effet représenté les deux tiers du rendement des contrôles, devant la détection de redevables défaillants (l’absence de déclaration représente 30 % des droits rappelés).

Des progrès restent nécessaires afin d’optimiser la programmation des contrôles. La Cour précise à cet égard que les pratiques demeurent variables d’une direction régionale ou départementale à l’autre et les outils nationaux sont inégalement utilisés par le niveau local. Un bilan de l’utilisation des requêtes nationales issues du data mining par les services locaux serait utile, tout comme une comparaison de l’efficacité des différentes stratégies de ciblage.

La Cour des comptes précise enfin que, si la valorisation des biens détenus et la détection de la sous-déclaration progressent, plusieurs enjeux sont moins couverts par les outils de détection et le contrôle. L’administration fiscale manque en effet d’informations pour contrôler les biens détenus indirectement, notamment via des SCI, alors même que ces modalités de détention du patrimoine immobilier sont en développement.

Les outils pour contrôler les SCI devraient ainsi être renforcés, tout comme les informations transmises par les tiers, notamment les institutions financières et les sociétés, sur les titres ayant une composante immobilière. La Cour relève également que le contrôle des non-résidents et des biens à l’étranger pâtit encore du manque de données sur les patrimoines non producteurs de revenus, en dépit des progrès des échanges automatisés de données au sein de l’Union européenne.

La Cour des comptes précise que certains risques liés à l’IFI restent encore peu contrôlés et la fraude n’est pas estimée. L’administration fiscale doit à cet égard veiller à faire progresser la couverture du fichier afin de permettre de détecter d’éventuelles nouvelles formes de fraude et d’avoir un effet dissuasif tout en gardant un équilibre avec l’approche par risques, garante de rendement financier.

Par ailleurs, elle souligne que les contentieux sont peu nombreux. En effet, l’administration fiscale privilégie sur les enjeux de valorisation des biens, l’accord et la régularisation en cours de contrôle. Les contentieux juridictionnels (30 jugés dont seulement 4 en appel) sont quant à eux trop récents pour en tirer des enseignements.

En outre, la Cour précise que l’écart fiscal de l’IFI, qui correspond à la différence entre les montants recouvrés et ceux qui résulteraient d’une application parfaite de la loi fiscale sans aucune perturbation (il comprend donc les erreurs involontaires, la fraude et les aléas du recouvrement), ne fait pas l’objet d’estimation alors que cette donnée est indispensable pour identifier l’ampleur de la défaillance et son évolution dans le temps. Il apparaît ainsi nécessaire d’estimer l’écart fiscal et la fraude à l’IFI afin de mettre en place une stratégie proportionnée de lutte contre la défaillance fiscale et la fraude.
Source : Actualités du droit