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Le principe de gratuité de l’enseignement public supérieur n'exclut pas des droits d’inscription « modiques »

Public - Droit public général
17/10/2019
À la rentrée 2019, sept universités françaises ont augmenté les frais d’inscription pour les étudiants hors Union européenne. Cette situation fut l’occasion pour le Conseil constitutionnel de s’interroger sur la portée du principe de gratuité de l’enseignement public. Celui-ci s'applique-t-il à l’enseignement public supérieur ?
Si les grandes lois Jules Ferry de 1881-1882 ont rendu l’école primaire gratuite, laïque et obligatoire, l’exigence de gratuité de l’enseignement public supérieur n’a jamais été clairement affirmée. En 2019, les frais d’inscriptions d’étudiants étrangers ont été augmentés relançant le débat sur la gratuité de l’enseignement.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité posée par des associations étudiantes.

Le litige initial avait pour but l’annulation de l'arrêté du 19 avril 2019 du ministre de l'enseignement supérieur relatif aux droits d'inscription dans les établissements publics d'enseignement supérieur à compter de l'année universitaire 2019-2020. Ce texte, pris en application du troisième alinéa de l’article 48 de la loi n° 51-598 de finances pour l’exercice 1951 du 24 mai 1951augmente les frais d’inscription pour les étudiants non européens. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur la légalité de ce troisième alinéa. Selon ses termes, sont fixés par arrêté « Les taux et modalités de perception des droits d’inscription, de scolarité, d’examen, de concours et de diplôme dans les établissements de établissements de l’État ».

Dans la décision de renvoi, le Conseil d’État (CE, 24 juill. 2019, n° 430121) avait estimé que « les dispositions citées ci-dessus de la loi du 24 mai 1951 sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Elles fondent, conjointement aux dispositions de l'article L. 719-4 du Code de l'éducation, la faculté pour les établissements d'enseignement supérieur de percevoir des droits d'inscription. À ce titre, le moyen tiré de ce qu'elles méconnaissent les droits constitutionnellement protégés par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (…), présente un caractère sérieux ».

Devant le Conseil constitutionnel, les requérants invoquent le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ». Deux arguments sont invoqués :
 
  • la perception de droits d’inscription par les Universités serait contraire au principe de gratuité de l’enseignement public ;
  • le fait d’habiliter, sans plus de garanties, le pouvoir règlementaire à fixer les taux et modalités des droits d’inscription sans considération des ressources des étudiants méconnaîtrait le principe d’égal accès à l’instruction.
Dans une brève décision très attendue, le Conseil constitutionnel valide la constitutionnalité de l’alinéa litigieux.

Il déduit pour la première fois du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 que l'exigence constitutionnelle de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur public. En effet, « l'exigence constitutionnelle de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur public ».

Néanmoins, il précise que  « cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants ».

En outre, « les dispositions contestées se limitent à prévoir que le pouvoir réglementaire fixe les montants annuels des droits perçus par les établissements publics d’enseignement supérieur et acquittés par les étudiants. Il appartient aux ministres compétents de fixer, sous le contrôle du juge, les montants de ces droits dans le respect des exigences de gratuité de l’enseignement public et d’égal accès à l’instruction ».

Le troisième alinéa de l’article 48 de la loi du 24 mai 1951 est donc déclaré conforme à la Constitution. Ainsi, la consécration du principe de gratuité de l’enseignement supérieur n’empêche pas que des droits d’inscription « modiques » puissent être exigés.

Il appartient à présent au Conseil d’État de rendre sa décision quant aux frais d’inscription des étudiants étrangers. Il déterminera si les montants en vigueur sont, ou non, modiques.
Source : Actualités du droit