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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
05/02/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 27 janvier 2020.
Demande d'extradition – requête en annulation – durée de l'écrou extraditionnel
 « M. X, possédant la double nationalité française et brésilienne, a été condamné le 20 juillet 2011 par la chambre criminelle du tribunal de Sao-Gabriel pour des faits "d'homicide qualifié", commis le 29 mai 1993 à Sao-Gabriel (Brésil), à une peine de 16 ans de réclusion. Un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre le 7 février 2013 par le juge de la chambre criminelle de la juridiction de Sao-Gabriel aux fins d’exécution. M. X a été placé sous écrou extraditionnel le 30 mai 2018 par le délégué du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Après avoir, par arrêt du 27 juin 2018, sollicité de l’Etat requérant des précisions complémentaires, la chambre de l’instruction d’Aix-en-Provence a, par arrêt du 16 janvier 2019, donné un avis favorable à la demande d’extradition.
Suivant décision du 11 décembre 2019 (n°19-81.092), la chambre criminelle a rejeté le pourvoi de M. X contre cet arrêt.
M. X a, par déclaration en date du 9 octobre 2019 et mémoire joint intitulé “requête en annulation de la procédure d’extradition et en demande de mise en liberté” sollicité sa remise en liberté.
 
Il se déduit des termes de l’article 696-19 du Code de procédure pénale qui renvoie aux dispositions de l’article 199 du même Code que, si la personne placée sous écrou extraditionnel qui sollicite sa mise en liberté est majeure, les débats se déroulent et l’arrêt est rendu en audience publique, sauf décision contraire de la chambre de l’instruction rendue sur opposition du ministère public, de la personne ou de son avocat.
Le moyen doit être, en conséquence, écarté.
 
Pour rejeter la demande présentée par M. X, l’arrêt relève qu'il résulte des dispositions de l'article 696-19 du Code de procédure pénale qu'est reconnue à la personne placée sous écrou extraditionnel la faculté de demander à tout moment à la chambre de l'instruction sa mise en liberté et, à cette occasion, ainsi que précisé par le Conseil Constitutionnel, de faire valoir l'irrégularité de l'ordonnance de placement sous écrou extraditionnel.
Les juges ajoutent que la décision de condamnation à une peine de réclusion pour l'exécution de laquelle la demande d'extradition est présentée, en date du 20 juillet 2011, est postérieure à la date d'entrée en vigueur de la convention d'extradition, le 1er septembre 2004.
Ils observent que si l'ordre d'incarcération critiqué en date du 30 mai 2018 ne vise pas formellement la convention d'extradition dont l'inapplicabilité est soutenue, la demande d'extradition parvenue au procureur général le 23 avril 2018 sur le fondement de laquelle il a été rendu, précise que les relations extraditionnelles entre la France et le Brésil sont régies par la convention du 28 mai 1996 liant les deux Etats.
Ils en concluent, d'une part que la convention d'extradition applicable est celle qui est en vigueur entre les parties au moment où la chambre de l'instruction statue et qu'elle ne stipule en l'espèce aucune limite quant à son champ d'application relative à la date de commission des faits, et d'autre part que les dispositions du chapitre V du titre X du livre quatrième du Code de procédure pénale relatives à l'extradition, qui s'appliquent aux points qui n'auraient pas été réglementés par les conventions internationales, ne prévoient pas davantage une telle limite et sont en conséquence applicables à toutes les situations en cours, s'agissant d'une loi de procédure, quelle que soit la date de commission des faits.
La décision d’avis favorable à l’extradition donné par la chambre de l’instruction, devant laquelle il appartenait à l’intéressé de contester l’applicabilité de la convention franco-brésilienne, étant définitive, le moyen est devenu sans objet.
 
Pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. X, l’arrêt attaqué énonce que la durée de l'écrou extraditionnel auquel est soumis X depuis le 30 mai 2018 n'apparaît pas avoir atteint une durée déraisonnable au regard du quantum de peine de 16 ans de réclusion pour l'exécution de laquelle il est réclamé.
Les juges ajoutent que cette durée a été justifiée par l'attente de la réponse de l'Etat brésilien à la demande d'informations complémentaires qui lui a été adressée suivant arrêt de la chambre de l'instruction du 27 juin 2018 qui avait été en partie demandée par la défense à titre subsidiaire, la demande d'extradition ayant été examinée à l'audience du 19 décembre 2018, après qu'il a été statué sur le pourvoi formé par la personne réclamée par une ordonnance constatant la déchéance du pourvoi et la chambre de l'instruction ayant donné son avis sur la demande d'extradition par arrêt du 16 janvier 2019 contre lequel il a également été formé un pourvoi.
 
Ils retiennent encore que M. X qui s'est manifestement soustrait à la justice de son pays en venant vivre en France depuis la commission du meurtre en 1993 pour lequel il a été condamné en 2011, en refusant son extradition, a manifesté la persistance de cette volonté d'échapper à sa responsabilité pénale, de sorte que, eu égard à l'importance de la peine à exécuter ou de la sévérité envisageable de celle qui serait prononcée en cas de nouveau jugement, les liens affectifs qu'il entretient, qui lui permettent un hébergement en France, où il s'est également bien inséré socialement, ne sont pas des éléments suffisants permettant d'écarter un risque de fuite élevé, un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique n'apparaissant pas dès lors comme des mesures suffisamment contraignantes pour satisfaire à la demande de l'Etat requérant.
 
La chambre de l'instruction qui, ayant examiné la diligence avec laquelle la procédure a été conduite par les autorités françaises, en conclut que la durée de la privation de liberté de la personne placée sous écrou extraditionnel n'est pas excessive et dont les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu’elle s'est déterminée par référence aux garanties offertes par l'intéressé en vue de satisfaire à la demande d'extradition, n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
Le moyen sera en conséquence écarté ».
Cass. crim., 28 janv. 2020, n 19-86.833, P+B+I *
 
Fraude fiscale et blanchiment – motivation – proportionnalité - préjudice
Les 28 octobre et 7 novembre 2010, l’administration fiscale, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, a porté plainte pour fraude fiscale à l’encontre de Mme  X faisant valoir que l’exploitation des fichiers dits Z avait révélé la détention, via des sociétés off-shore, de comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC.
A l’issue de l’information judiciaire, Mme X a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour y être jugée notamment des chefs de fraude fiscale par minoration, de 2007 à 2010, des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune, et par organisation d’insolvabilité, et de blanchiment, deux SCI, dont Mme X est la représentante légale et l’actionnaire majoritaire, les sociétés Gauchy et la Guardiola, des chefs de complicité de fraude fiscale et de blanchiment et M. Y, du chef de complicité de fraude fiscale.
Les juges du premier degré ont condamné, pour les faits précités, ces quatre prévenus et prononcé sur les intérêts civils, l’administration fiscale et l’Etat français s’étant constitués parties civiles. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
 
Vu les articles 132-1 du Code pénal et 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale :
Il se déduit de ces textes qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.
Hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l’objet ou le produit de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.
Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
Pour confirmer la condamnation des SCI, déclarées coupables de complicité de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité et blanchiment, à la confiscation, à titre de peine principale, de biens immobiliers leur appartenant, l’arrêt attaqué retient par motifs propres et adoptés que Mme X est la représentante légale de ces sociétés et l’associée très largement majoritaire, à hauteur de 98% et de 99%.
En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas la nature et l’origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure et, par conséquent, ne permettent pas d’apprécier l’étendue de l’exigence de motivation des juges du fond, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
Dès lors, la cassation est encourue de ce chef.
 
Vu les articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, L. 232 du livre des procédures fiscales :
Il résulte du deuxième de ces textes que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Il se déduit du premier et du dernier de ces textes que si les juges répressifs, saisis de poursuites des chefs de fraude fiscale et blanchiment, peuvent indemniser l’Etat du dommage résultant du blanchiment, ils n’ont pas compétence pour réparer le préjudice subi par le Trésor public du fait du délit fiscal, qui est indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard.
Pour confirmer le jugement ayant condamné la prévenue, solidairement avec une coprévenue, à payer à l’Etat, partie civile, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt attaqué énonce que la constitution de partie civile de l’Etat est recevable au titre du préjudice découlant directement du comportement frauduleux résultant des faits de blanchiment.
Les juges ajoutent que “le tribunal a justement apprécié ce préjudice résultant non seulement du revenu généré et des actifs en capital qui échappent à l’assiette de l’impôt sur la fortune, mais également compte tenu de l’ancienneté des faits et de l’importance de la fraude, des procédures multiples mises en œuvre pour recouvrer ses créances, ce tout particulièrement à une période de déficits budgétaires importants”.
En prononçant ainsi, par des motifs qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s’assurer que les juges n’ont pas inclus dans l’indemnisation le préjudice issu de la fraude fiscale, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
La cassation est donc encourue de ce chef.
Cass. crim., 29 janv. 2020, n° 17-83.577, P+B+I *
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 5 mars 2020
Source : Actualités du droit